Bonsoir à tous,
Je vous remercie de votre accueil dans l’aventure que vous menez à “connecter” votre beau village au reste du monde.
Cette lettre regroupe quelques réflexions d’un Maire cévenol à l’équipe municipale d’une autre Commune de dimension et de problématique assez proche.
Ce sont des réflexions sur des expériences qui ont beaucoup de points communs, mais des contextes différents.
Nous avons un passé “internet” plus ancien que le vôtre, mais une situation de pionnier qui nous a toujours obligés à nous adapter aux circonstances.
La conception actuelle de notre réseau et sa gestion sont le fruit de cette histoire.
La conception et la nécessaire adaptation actuelle de votre réseau sont le fruit de votre histoire.
Deux expériences qui s’enrichissent mutuellement.
Sur la Commune de Saint Bresson :
Il y a 15 ans lorsque nous voulions résoudre la problématique de “connecter” Saint Bresson à internet, nous nous trouvions confrontés à l’absence de matériel performant et à un scepticisme de la part de tous. Les “fous du Wifi”.
Heureusement la possibilité d’avoir un point de collecte pas trop éloigné, en vue directe, la Commune répartie principalement dans une grande combe face au Sud, facilitait la création d’un réseau maillé entièrement hertzien. Il reste quelques points en zone d’ombre très difficile à connecter.
Nous avons opté pour une expérience et une gestion municipale car à l’époque c’était une volonté du Conseil de garder une indépendance et une maîtrise totale du projet avec un investissement minimum. De plus aucun opérateur ne s’intéressait à la Commune et cette formule permettait d’avoir les autorisations, alors nécessaires, de l’Arcep.
La gestion était, et reste totalement bénévole et représente un magnifique “terrain de jeu” pour Pascal Rullier qui nous soutient depuis le début, et sans lequel le réseau n’existerait pas ou plus.
Le réseau de Saint Bresson ne se développera sans doute pas beaucoup plus car il n’y a pas la clientèle pour cela et la présence récente d’une antenne 4G fait qu’une concurrence est maintenant ouverte, ce qui offre une grande liberté de choix à nos Concitoyens.
La structure même du réseau et sa légèreté de gestion permettent sa pérennité dans le temps, et nous avons des accords avec la société BNT (que Pascal a créée depuis) pour la fourniture de la source internet à distribuer et la maintenance de la partie logicielle. Nous gardons la gestion de la partie matérielle et la gestion économique des abonnés de la Commune sous la forme d’une cotisation demandée aux utilisateurs pour équilibrer la ligne “internet” du budget municipal.
Cette gestion directe par “cotisation” avait été préconisée au départ par le Trésorier du Vigan dont nous dépendons, qui l’avait préférée à une régie municipale administrativement trop lourde par rapport aux enjeux financiers
Cette solution aura certainement un avenir important car il apparaît irréaliste qu’un quelconque opérateur privé, même soutenu par un plan de collectivité, ait envie de s’engager à l’installation d’un réseau fibré.
Sur la Commune de Bonnevaux :
De ce que j’ai observé et compris du réseau de Bonnevaux, et de son historique, je peux tirer des réflexions intéressantes sur des similitudes et de grosses différences avec le réseau de Saint Bresson.
La première est que la géographie de Bonnevaux est bien plus difficile que celle de Saint Bresson. Même si les terroirs sont proches, la forme des vallées et des combes rendent bien plus complexes les interconnexions.
Le choix d’une mixité entre des liaisons hertziennes et des distributions fibrées a été très astucieux.
Il existe donc un bel outil, en très bon état qui ne demande qu’à s’étendre sur l’ensemble de la Commune.
Le plus gros est fait et la restructuration du réseau autour du bourg paraît simple d’autant qu’un point de collecte semble émerger à l’entrée du village.
Donc le réseau existe, il n’y a rien à reconstruire, juste à étendre (et possiblement aux Communes voisines si la géographie le permet).
Le réseau peut être ouvert à la libre concurrence.
Historiquement le réseau a été conçu, créé et géré par une société privée extérieure à la Commune, un “fermier” sorte de délégataire de service public, la Commune investissant dans le matériel laissé en gestion et facilitant au mieux le travail d’installation du réseau.
Mais le délégataire annonce sa disparition au 31 décembre car son plan économique, dont Bonnevaux n’est qu’un maillon, s’écroule suite à la concurrence des montées en débit des réseaux traditionnels.
Bonnevaux se retrouve donc à la croisée des chemins, se retrouvant avec un magnifique outil à l’arrêt et une montée en débit par des opérateurs nationaux dont les business plans ne sont pas du tout adaptés à la géographie du lieu et sans calendrier défini.
Le réflexe normal de la Commune est de rechercher un opérateur à qui confier immédiatement le réseau existant pour assurer la continuité du service.
Ayant appris l’expérience de Saint Bresson avec BNT la Commune nous contacte.
Et c’est avec un grand plaisir que nous répondons à votre invitation.
De notre visite, de nos nombreux échanges de documents, des discussions avec vous et avec Pascal, je me permets de vous donner mon sentiment comme Maire de village ayant une expérience similaire.
La Mairie de Bonnevaux est propriétaire d’un bel outil internet qu’il faut faire fructifier et étendre à tous.
Il me paraît nécessaire qu’elle garde la maîtrise de la gestion technique de l’outil, tout en ouvrant son exploitation à tout opérateur s’y intéressant.
Cela permet de laisser le libre choix aux citoyens et garantie une maîtrise et une survie à long terme du réseau.
Je sais d’expérience que c’est la philosophie de BNT, mais que c’est souvent difficile à comprendre.
Je vais faire un parallèle avec la gestion de réseau que nous connaissons tous : les réseaux d’eau potable.
De par sa structure enfouie les réseaux sont propriétés des Communes et soit elles les exploitent en régie directe, soit concluent un affermage, avec plusieurs niveaux possibles : déléguant la gestion et l’entretien, soit gardant l’entretien (comme cela, elle est certaine de ne pas récupérer une ruine de réseau en fin de concession) et ne déléguant que l’exploitation.
Dans un réseau d’eau il n’y a qu’un produit et donc un seul exploitant.
La différence avec internet c’est que plusieurs produits peuvent circuler dans le réseau en même temps et que donc il peut avoir plusieurs exploitants.
Il est donc alors nécessaire que la propriété du réseau et son entretien restent de la responsabilité de la Commune pour éviter les distorsions de concurrence et qu’une société exploitante qui gérerait l’entretien du réseau prenne naturellement le dessus sur les autres exploitants. Conséquences : La Commune ne doit pas avoir peur d’assurer la gestion technique du réseau car ce n’est pas plus compliqué qu’un réseau d’eau et elle peut toujours sous-traiter des travaux, mais elle en garde alors la Maîtrise d’œuvre et d’ouvrage.
Répartition des rôles :
La Mairie est propriétaire des réseaux, en assure l’entretien et le développement.
Pour ce faire elle s’entoure de personnes de connaissance, et j’ai pu rencontrer de vos citoyens ayant parfaitement les compétences nécessaires.
Elle peut assurer les raccordements et travaux de connexions nécessaires.
BNT peut parfaitement assurer les formations pour l’apprentissage des compétences nécessaires et l’a fait (et continue à le faire) pour Saint Bresson.
Nous n’hésitons d’ailleurs pas à leur confier certains travaux, mais en les réalisant en commun. Ce qui est une aventure humaine et technique enrichissante.
La Mairie est ainsi maître de l’évolution et de la pérennité du réseau.
La Mairie confie à une ou plusieurs entités, comme BNT, l’exploitation du réseau.
L’exploitant assure la fourniture de bande passante internet qu’elle se fait livrer à l’entrée du réseau et se charge de la totalité des démarches vis-à-vis des fournisseurs internet.
L’exploitant loue à la Mairie l’usage du matériel qui constitue l’infrastructure technique du réseau propriété de la Commune.
D’où la nécessité d’un “catalogue des services” qui est le nom barbare de la liste du matériel utilisé et du prix de leur location qui permet à la Commune d’amortir ses investissements de construction et d’entretien de son réseau.
L’exploitant fourni à ses abonnés de la bande passante internet, et leur facture en intégrant ses frais (achat de bande passante, location des infrastructures à la Mairie…) et bénéfices.
L’exploitant assure la surveillance et la maintenance logicielle du fonctionnement de son usage du réseau (souvent à distance).
L’exploitant s’occupe du contact avec sa clientèle, et reste en dialogue avec la Mairie, propriétaire du réseau pour lui demander les aménagements matériels nécessaires à son fonctionnement dont les coûts seront intégrés au catalogue de services.
De cette manière les rôles sont parfaitement définis, il n’y a pas d’ambiguïté sur les responsabilités, et la libre concurrence, dans un cadre cohérent, est possible.
Bien entendu cela n’exclut pas l’entraide entre les parties.
Le fonctionnement sain d’un réseau sous-entend une bonne entente entre propriétaire et exploitant.
Il ne s’agit en aucun cas de se débarrasser du problème de l’un sur l’autre mais de complémentarité de capacité d’agir.
Dans un réseau comme celui de Bonnevaux, dans une montagne dont l’accès n’est pas aisé, cela est d’autant plus indispensable qu’il est impensable à l’exploitant de pouvoir se déplacer sur le terrain pour changer une prise, comme quasi impossible à quiconque autre que l’opérateur exploitant d’assurer la gestion logicielle du réseau.
Je sais d’expérience qu’il est très difficile au départ de s’imaginer comment fonctionnent en synergie le propriétaire et l’exploitant.
J’espère avoir été assez clair, et avoir pu vous transmettre mon expérience de Maire qui exploite depuis maintenant 15 ans un microscopique réseau comme une cinquantaine d’autres collectivités locales en France.
Et pour cela Pascal Rullier autant en geek passionné qu’en tant que chef d’entreprise nous a été toujours d’une grande aide.
Je laisse à Pascal Rullier le soin de vous donner toutes les informations techniques nécessaires.
Ce sera certainement dans un premier temps dans un langage abscons, mais qui sera rapidement compréhensible.
Les quiproquos de départ seront certainement dus à la difficulté de bien séparer les rôles de propriétaire et d’exploitant du réseau.
Effectivement la solution proposée n’est pas un transfert global d’un service qui vous rendrait totalement à la merci de l’exploitant ce qui a été le cas dans votre première expérience.
” Signez ici, je m’occupe de tout…” tant que cela marche économiquement pour moi ; et je vous abandonne en rase campagne lorsque cela merde. »
Ce qui vous est proposé c’est une synergie qui vous laisse maître de votre réseau quels que soient les aléas du futur.
J’espère avoir été compréhensible.
Et je reste à votre disposition pour tout autre élément complémentaire.
C’est avec grand plaisir que je reviendrais chez vous pour continuer cette aventure.
En espérant participer bénévolement à la remise au niveau de votre réseau, et à des plans bien délirants comme tirer des fibres dans les arbres pour connecter de nouveaux hameaux.
Il nous est parfaitement possible de revenir rapidement une journée sur le terrain pour travailler avec vous pour la mise en place du projet, rédiger le cahier des services, etc…. Voir avec pascal Rullier pour le calendrier, je pourrais quasi toujours me libérer pour vous accompagner.
Travailler de vive voix est souvent la meilleure solution.
Recevez Chers Collègues tous mes meilleurs souvenirs républicains.
Patrick Darlot, Maire de Saint Bresson (Gard).